Je ne suis pas un oiseau / Anne Herbauts
Esperluète
n.p. – 2019 . – 22 €   ISBN 978-2-35984-109-1    

Il est rare qu'un album d'Anne Herbauts porte en exergue une citation. Quand c'est le cas, mieux vaut s'y attarder car chez cette artiste, rien n'est jamais fortuit. "J'ai froid mon pays, j'ai froid". Les mots signés Jean-Jacques Goldman appartiennent à Pourquoi cette pluie? une chanson du musicien berbère Idir, extraite du recueil Deux rives, un rêve. Nous voici sur la voie. Je ne suis pas un oiseau parle d'exilés, de "ceux qui sont en route sans savoir où aller" diront plus loin les mots du texte. Dans un dialogue avec Frédérique Dolphijn, lui aussi paru chez Esperluète, Anne Herbauts s'explique : "Ce sujet est compliqué à aborder, il est très mis en avant dans la presse, il est galvaudé. Je voulais quelque chose de plus profond et de plus général que juste un focus sur les mouvements migratoires de maintenant. Je voulais parler du déracinement." (Ne l'avait-elle pas déjà effleuré ce sujet dans Sans début ni fin petite parabole? "Ils portaient le chagrin plus loin, ils disaient. Ils avaient déjà fait trois tours de la terre".) Ici, une première lecture attire l'attention par une forme proche de la comptine. En compagnie de l'oiseau de la couverture – derrière les barreaux d'une prison? – l'histoire commence presque joyeusement, se prolonge de façon lancinante, s'achève comme un cri. Le texte de fin – dur et fort – actualise le propos. Une deuxième lecture nous fait découvrir la richesse des matériaux rassemblés. Comme des indices. Comme un état des lieux. Comme pour faire le point : peintures et sculptures de diverses cultures reproduites en noir et blanc, photos d'océan, de ciel et de plage, branchettes en désordre s'organisant en refuge, super héros à cape rouge en plein vol… Photographies et aquarelles se suivent et se juxtaposent.
Un album devant lequel les lecteurs sont "à égalité", chacun y entrant avec son passé, son expérience, ses souvenirs, sa culture et sa curiosité. (Maggy Rayet)