|

La cavale

La cavale

Même si elle reconnaît recevoir beaucoup de propositions dans ce sens, il n'est pas fréquent que Kitty Crowther illustre des textes d'auteurs. Dans son livre d'entretiens avec Véronique Antoine-Andersen, publié chez Pyramid, elle dit clairement qu'étant auteure et illustratrice, elle ne peut pas séparer les deux. « C'est comme le pied droit et le pied gauche, les deux marchent ensemble. » Mais elle ajoute quand même : « quand je reçois un texte et qu'en le lisant, j'ai tout de suite des images, je me dis qu'il y a quatre-vingt-dix pourcent de chance que je le fasse...

La cavale / Texte d’Ulf Stark (Suède) ; illustrations de Kitty Crowther ; traduction d’Alain Gnaedig (France)
Pastel, l’école des loisirs
n.p. – 2019 . – 14,50 €   ISBN 978-2-211-30167-1

Même si elle reconnaît recevoir beaucoup de propositions dans ce sens, il n'est pas fréquent que Kitty Crowther illustre des textes d'auteurs. Dans son livre d'entretiens avec Véronique Antoine-Andersen, publié chez Pyramid, elle dit clairement qu'étant auteure et illustratrice, elle ne peut pas séparer les deux. « C'est comme le pied droit et le pied gauche, les deux marchent ensemble. » Mais elle ajoute quand même : « quand je reçois un texte et qu'en le lisant, j'ai tout de suite des images, je me dis qu'il y a quatre-vingt-dix pourcent de chance que je le fasse. C'est comme si j'avais un pendule dans la tête ou le cœur qui me dit oui ou non ». Dans ce cas-ci je devine que le pendule a dit oui tout de suite à ce dernier roman du célèbre écrivain suédois décédé en 2017! Parce que Kitty est un peu suédoise de cœur par sa maman? Peut-être. Mais sans doute, plus simplement, grâce à la magie du texte. Des livres jeunesse centrés sur la complicité entre un grand père et son petit fils, il en existe beaucoup et sont parfois très réussis. Mais celui-ci est tout bonnement exceptionnel! Avant tout grâce au ton adopté par le narrateur qui ne fait pas semblant de redevenir petit mais qui parle sans peur à hauteur d'enfant. Sans peur? Oui, depuis le titre, La cavale (en suédois, peut-être Les évadés?) Ulf Stark ne mâche pas ses mots. Il n'a pas peur de montrer que la vie dans un home n'est pas réjouissante. Il n'a pas peur de mettre en scène une aide-soignante agacée par le comportement du grand père. Il n'a pas peur d'introduire un personnage adulte, un boulanger plutôt sympa, acceptant sans sourciller – et pour de l'argent – d'aider le vieil homme et l'enfant dans leur escapade. Il n'a pas peur de montrer un père qui en a sa dose de son propre père… C'est toujours le cœur battant qu'on arrive à la fin d'un livre : la chute peut gâcher tant de choses. Ici, quelle légèreté et quelle pudeur, pour évoquer la mort. Les derniers mots d’Ulf Stark sont suivis par une dernière illustration de Kitty Crowther. Il n'y avait qu'elle pour prolonger ces mots-là sans les affadir, avec tendresse, avec le chatoiement de ses crayons de couleurs. Sa couverture illustrée, solidement cartonnée, enveloppe complètement l'objet livre : merci à Odile Josselin de l'avoir voulu si parfait, si soigné, avec son beau papier bis, sa typographie aérée, son petit signet en ruban rouge cousu au creux des pages. Une réussite qui va mettre d'accord les passeurs de livres comme la critique, les vieux comme les enfants! (Maggy Rayet)