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La vie devant nous

La vie devant nous

Avec La vie devant nous, Eva Kavian nous livre un récit polyphonique d’une bande de copains. L’histoire se déroule en une soirée où rien ne se passera comme prévu, où l’on peut même dire que tout va basculer.

Chaque chapitre fait part d’un monologue d’un personnage qui parle en « je » et le plus souvent en « tu ». Il s’adresse à un autre héros de la bande et c’est petit à petit que le lecteur tisse les fils de l’histoire et comprend qui est qui et le type de lien entre le personnage et les autres...

La vie devant nous / Eva Kavian
Mijade
148 p. - 2020 . - 7 €   ISBN 978-2874231216

Avec La vie devant nous, Eva Kavian nous livre un récit polyphonique d’une bande de copains. L’histoire se déroule en une soirée où rien ne se passera comme prévu, où l’on peut même dire que tout va basculer.
Chaque chapitre fait part d’un monologue d’un personnage qui parle en « je » et le plus souvent en « tu ». Il s’adresse à un autre héros de la bande et c’est petit à petit que le lecteur tisse les fils de l’histoire et comprend qui est qui et le type de lien entre le personnage et les autres.

Si je t’avais croisée deux ou trois fois, dans un autre contexte, avec tes tocs et tes goûts de luxe, je n’aurais même pas essayé de t’approcher. C’est parce que nous avons été forcés de partager le quotidien, parce que nous nous sommes découverts au-delà des premières impressions, que nous nous sommes aimés. Que je t’ai aimée. En silence. Rongé. Résigné.

L’alcool ayant coulé à flots pour certains et la « dyscalculie amoureuse » frappant d’autres, nous lisons des monologues tourmentés parcourus de quelques digressions. Nous découvrons ainsi un Gabin amoureux de la fille de sa belle-mère (elle n’est pas sa sœur, il ne fait rien de mal, non ?), un Mike qui rejette la vie d’adulte et profite de l’instant présent, une Alice bien décidée à avoir son premier baiser mais qui va être victime d’une agression, un Liam tout mou qui va être traversé par la rage de la lutte pour la justice, un Franck par très futé qui ne comprend rien. Et puis, il y a Jade et Charlotte aussi, des amoureuses un peu perdues…

Putain, les mecs, je ne veux pas devenir comme ça : rentrer du turbin avec la tronche qui s’est pris un pylône, regarder la composition d’un hamburger avant de rincer un concombre bio tout en m’inquiétant parce que les ouvriers ont peut-être plafonné sur des plaques d’amiante, bordel, ça fait flipper, et après leur journée formidable, ils savent tellement plus rire qu’ils s’installent devant La Grande Vadrouille, le temps de digérer leurs compléments alimentaires en bouclant quelques mails urgents pour le boulot.

Eva Kavian donne à lire un roman pour la jeunesse dont le titre est empli de promesses, mais qui nous ramène les pieds sur terre en nous rappelant que les adolescents ont objectivement la vie devant eux, mais uniquement s’ils veillent à avoir « une tête bien faite ». Les héros du récit sont bien caractérisés avec leur tonalité différente. Ils sont touchants dans leurs fragilités, leur naïveté et leur fougue, mais leurs plaintes égocentrées nous donnent aussi parfois envie de les secouer comme un prunier.

Ou alors… ou alors, tu es sorti avec Alice, puis tu l’as larguée dans un sursaut de culpabilité, c’est pour ça qu’elle a ta veste et qu’elle pleure depuis dix minutes sans lâcher une syllabe. Si c’est ça, mon coco, je te garantis une douche froide, je ne suis pas ici, dans une boîte de conserve remplie de trolls immatures, pour compenser ta lâcheté et sauver un couple de futurs alcooliques.

Bref, on plonge dans la vie d’ados dans tous leurs états. Des adultes en devenir. En espérant que l’expérience traumatisante d’une soirée trop arrosée calme un peu leurs ardeurs et les invite à réfléchir un peu plus loin que le bout de leur nombril… (Séverine Radoux)

Critique parue initialement dans le blog du Carnet et les Instants