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Cours Lola, cours !

Cours Lola, cours !

Une fille aux cheveux rouges, débardeur clair et baskets, courant comme une dératée dans la capitale berlinoise afin de sauver son ami Manni. C’est cette image-culte que le titre Cours Lola, cours ! évoque à ceux d’« un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ». À présent, il réfèrera également, dans l’esprit des plus jeunes cette fois, ...

Cours Lola, cours ! / Geneviève Casterman
Esperluète
32 p. - 2020. - 16,50 €  ISBN 978-2-3598-4130-5

Une fille aux cheveux rouges, débardeur clair et baskets, courant comme une dératée dans la capitale berlinoise afin de sauver son ami Manni. C’est cette image-culte que le titre Cours Lola, cours ! évoque à ceux d’« un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître ». À présent, il réfèrera également, dans l’esprit des plus jeunes cette fois, à un album jeunesse publié chez Esperluète éditions, celui de Geneviève Casterman qui précise elle-même que « le titre du livre n’a rien en commun avec le film éponyme que le prénom de son héroïne ».

La Lola de Casterman, elle, est une brunette dont la frange sur le front accentue le petit air malicieux. Du haut de ses presque dix ans, elle ressent l’excitation typique à l’approche de la rentrée scolaire et, avant le grand jour, il y a encore un week-end prometteur : du soleil annoncé, une balade au bord du lac avec les copines et l’achat de ces baskets tant désirées (enfin si sa pointure est toujours disponible). Mais les choses se passent rarement comme prévu : au cours de la journée, le léger crachin extérieur se transforme, de façon tout aussi violente qu’incompréhensible, en un orage intérieur. « À ce moment précis, Lola a senti qu’elle perdait quelque chose qu’elle ne retrouverait plus jamais. Elle ne l’a pas compris tout de suite mais elle l’a su et tout de suite elle a eu peur. Tout de suite elle a pleuré. »

Cela se passe sur la route, à 16 heures pile, sa mère au volant et son grand frère assoupi à ses côtés. Dans le rétroviseur, Lola scrute les yeux de sa maman qui se ferment lourdement puis se rouvrent, entend les explications de son père, ressent le moteur qui ne vrombit plus. Et assiste, désemparée, au départ de son père. Sans drame apparent, sa vie tout entière bascule, l’insouciance de l’enfance meurt. « Il paraît que les fourmis peuvent porter jusqu’à huit fois leur poids. […] Mais à ce moment-là, Lola se demandait combien de kilos de chagrin elle pourrait porter sans tomber. »

À travers des mots bleus et des illustrations dessinées au crayon gras et à peine rehaussées de quelques touches de couleurs primaires, Casterman nous propose d’adopter une vision du monde à hauteur d’enfant, à hauteur de Lola. Dans ses dessins remplis d’histoires et son texte ponctué d’ellipses, elle imprime un rythme, esquisse des manques, trace l’absence, met en relief et temporalise depuis Lola. Le lecteur emboîte le pas de l’héroïne, sportive et volontaire, qui gagne en âge et en résilience, à mesure qu’elle court. Il faudra donc plusieurs paires de baskets, beaucoup de courage et une joie doucement regagnée pour qu’elle trace sa propre route. C’est son chemin de dépassement. Cours Lola, cours ! (Samia Hammami)

Cette critique est parue précédemment sur le blog du Carnet et les Instants.