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Chèvre/Seguin/Loup

Chèvre/Seguin/Loup

Le titre qui prend l'allure d'une succession de mots clés ne laisse aucun doute quant au contenu : Julie Annen revisite La chèvre de Monsieur Seguin. Ce texte a été si souvent publié, illustré ou non, en résumé ou en version intégrale, qu'il est parfois confondu avec un conte traditionnel d'avertissement. (Soit dit en passant, cette nouvelle extraite des Lettres de mon moulin est à présent attribuée à un prête-plume)...

Chèvre/Seguin/Loup / Julie Annen (Suisse)
Lansman ; coll. Lansman jeunesse
36 p. – 2020 . – 8€   ISBN 978-2-8071-0298-9

Le titre qui prend l'allure d'une succession de mots clés ne laisse aucun doute quant au contenu : Julie Annen revisite La chèvre de Monsieur Seguin. Ce texte a été si souvent publié, illustré ou non, en résumé ou en version intégrale, qu'il est parfois confondu avec un conte traditionnel d'avertissement. (Soit dit en passant, cette nouvelle extraite des Lettres de mon moulin est à présent attribuée à un prête-plume). Il est souvent amputé d'un prologue qui, sans hésitation, en éclaire le sens. Il s'agit de persuader l'ami Gringoire d'accepter un emploi stable de chroniqueur dans un journal sérieux au lieu de s'accrocher à la liberté d'écrire de la poésie comme bon lui semble. Ne nous a-t-on pas fait espérer que la courageuse petite Blanquette n'ait pas des rêves d'ailleurs? Qu'elle se contente du confort douillet de la ferme? Ne nous a-t-on pas fait regretter que Monsieur Seguin ait oublié de fermer la fenêtre de l'étable?
Julie Annen reprend donc le "pitch" de la nouvelle. Elle le fait superbement, sous forme de faces à faces entre les trois personnages alternant avec des parties racontées, comme dans un drame antique. Et cependant l'histoire est tout autre parce que le point de vue est totalement inversé. Deux phrases placées en exergue mettent déjà le lecteur au parfum. La première d'Albert Camus, "Plutôt mourir debout que de vivre à genoux". L'autre de Bertold Brecht : "Celui qui combat peut perdre, mais celui qui ne se bat pas a déjà perdu." La chèvre de Monsieur Seguin devient ici une interrogation sur la liberté. "Selon moi dit Julie Annen, même si la chèvre risque de se faire dévorer en quittant sa prison, je me dis que ça vaut quand même le coup de risquer de vivre". (Maggy Rayet)