|

Point de fuite

Point de fuite

Pour Mona, 17 ans, le musée est un lieu de prédilection. N'est-ce pas là que chaque mercredi après-midi, cette jeune fille passionnée de peinture, prépare son concours d'entrée aux Beaux Arts? N'est-ce pas là surtout qu'elle vient de rencontrer le grand amour, en la personne de Joshua, un séduisant doctorant ? Mais hélas cet amant qui semblait parfait, se révèle être un personnage destructeur qui va enfermer la jeune fille dans une relation asphyxiante,...

Point de fuite / Marie Colot et Nancy Guilbert
Gulfstream coll. Electrogène
432 p. - 2020 . - 18€   ISBN 978-2- 35488-791-9

Pour Mona, 17 ans, le musée est un lieu de prédilection. N'est-ce pas là que chaque mercredi après-midi, cette jeune fille passionnée de peinture, prépare son concours d'entrée aux Beaux Arts? N'est-ce pas là surtout qu'elle vient de rencontrer le grand amour, en la personne de Joshua, un séduisant doctorant ? Mais hélas cet amant qui semblait parfait, se révèle être un personnage destructeur qui va enfermer la jeune fille dans une relation asphyxiante, l'éloignant inexorablement de tout ce qui l'avait passionnée jusque là, aussi bien son amour pour la peinture que sa complicité avec Marin, son meilleur ami.

Après Deux secondes en moins, voici un nouveau roman à quatre mains signé Marie Colot et Nancy Guilbert. Ici aussi le fil rouge nait de la juxtaposition de récits à la première personne, sans faire appel à un narrateur extérieur. Et à nouveau la complicité des deux auteures mène à la réussite. Avec cette fois la violence physique et psychologique en ligne de mire. Deux secondes en moins était ancré dans le monde de la musique classique. L'arrière plan de Point de fuite – dès l'énoncé du titre – évoque la peinture, celle qui s'expose sous cadre dans les musées. Le roman est ponctué d'allusions à des tableaux. Jusqu'aux titres des trois séquences qui le composent : Les amants de René Magritte, Le cri d'Edvard Munch, La nuit étoilée de Vincent Van Gogh. Rappelez-vous, successivement : un couple dont les visages sont recouverts d'un drap, un être effrayé qui pousse un cri de terreur et une vue depuis la chambre du peintre, à une période cruciale de sa vie. Construite avec précision, chaque séquence donne la parole à certains acteurs et en laisse d'autres dans le silence. Comme les auteures se sont inspirées de témoignages réels, la voix de Mona est naturellement omniprésente. Celle de Marin, son ami d'enfance, apparait, se tait, réapparaît. Viennent s'ajouter, en élargissant le propos, celles de Lya la voisine, d'Esther la sœur de Joshua, de Cassien le poète. Par contre, le personnage de celui qu'on pourrait appeler le bourreau n'est vu qu'à travers le regard et la parole des autres protagonistes. Seules quelques plongées dans ses pensées sont insérées tout au début – dans un climat de suspense – comme pour alerter le lecteur sur la noirceur du personnage. Mais ce lecteur aura un peu de mal à trouver une face « claire » à ce Joshua qui a séduit voire ensorcelé Mona. Comme s'il manquait des pièces au puzzle. Est-ce pour que ce lecteur les remplisse lui-même que les auteures – qui ne laissent rien au hasard – ont ménagé des « blancs » dans le temps du récit, un an entre la première et la deuxième partie, deux ans entre la deuxième et la dernière?
En tous cas, le souhait exprimé par Marie Colot et Nancy Guilbert : « que leur roman permette de libérer la parole » semble en bonne voie d'être exaucé! (Maggy Rayet)