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La machine (tome 1)

La machine (tome 1)

La machine nous plonge dans une ville fictive espagnole, Panîm, devenue récemment une république suite à la fuite du Roi. Le récit s’ouvre sur le discours de la figure de proue de la Machine, un parti qui envisage chaque citoyen comme une pièce indispensable au système et qui prône une redistribution équitable des richesses...

La machine (tome 1) / Katia Lanero Zamora
ActuSF
360 p. - 2021 . - 19,90 € / ePub : 9,99 €  ISBN 978-2376863373

Hasta la victoria

La machine nous plonge dans une ville fictive espagnole, Panîm, devenue récemment une république suite à la fuite du Roi. Le récit s’ouvre sur le discours de la figure de proue de la Machine, un parti qui envisage chaque citoyen comme une pièce indispensable au système et qui prône une redistribution équitable des richesses.

Les deux protagonistes de l’histoire sont des frères, Andrès et Vian Cabayol, qui ont respectivement 22 et 20 ans. Ils sont issus d’une famille populaire appelée « Ongles sales », qui a été anoblie par le Roi grâce à leur grand-père Ignacio. L’affection que les deux frères se portent est indéniable malgré leurs différences : d’un côté, Vian est un militaire qui va être envoyé au front d’Azomar. Il réalise ainsi son rêve et fait la fierté de la famille, mais il est bien embêté par le mariage arrangé que sa belle-mère tente de manigancer. Celui-ci servirait les intérêts de la famille Cabayol, mais contrarierait les penchants de Vian pour la gent masculine, penchants tout à fait inacceptables dans la classe sociale des Caelestes.

D’un autre côté, Andrès est un aventurier qui a quitté l’université pour défendre les idéaux de la Machine parce qu’il croit sincèrement en l’avènement d’un monde nouveau. Il fréquente les Ongles sales depuis tout petit et son ardeur militante s’est confirmée depuis qu’il est amoureux de la belle Léa, une Machiniste fière et enceinte de lui depuis peu.

Le début du récit sonne comme une initiation pour les deux frères quand ils quittent leur finca natale, l’un pour aller au front, l’autre pour aller vivre avec son amoureuse et travailler au cœur de la résistance. Les disparités entre les frères créent des tensions amplifiées par le père, Colin, qui compte bien imposer leur avenir à ses fils malgré eux.

« Tu sais quel est le droit chemin. Tu es un jeune homme extraordinaire. De ta conduite là-bas dépendra notre sécurité. Surtout celle d’Andrès. »
Vian tourna la tête vers l’homme grisonnant. Son profil semblait découpé dans la nuit et ses yeux n’en étaient que plus perçants. « C’est un bon garçon. Il va revenir à la raison. Mais avoir un frère exemplaire le lavera de tous les futurs reproches qu’on pourrait lui faire. Je ne peux pas avoir deux fils déviants et tu es le plus sage des deux. »

Nous sommes alors amenés à suivre l’histoire parallèle et singulière de Vian et Andrès avec leur lot de bonnes et mauvaises surprises, rythmée par les manigances paternelles et/ ou politiques, mais aussi les combats des Machinistes.

Dans ce récit, Katia Lanero Zamora donne à lire une histoire politique réaliste dans une Espagne fictive où elle nous dévoile ses talents de scénariste. Aucun détail n’est donné au hasard, son style est très fluide, elle manie l’art du suspense avec une belle maîtrise pour distiller une tension grandissante au fil de l’intrigue.

Le récit de La machine offre une double histoire : d’une part, celle de deux frères qui s’aiment mais qui vont devoir faire un choix face à un conflit de loyauté qui se profile à l’horizon ; d’autre part, le combat d’un parti avec l’organisation de grèves et de syndicats, sans passer sous silence les tensions internes entre les militants modérés et les Vieux Loups aux penchants plus extrémistes. Les destins individuels et l’histoire collective sont articulés avec finesse, avec toute la complexité que cette articulation engendre.

« Collectiviser, tout partager, tu crois que ça concerne que les plus pauvres et les plus riches ? C’est bien beau tout ça ! Et mes parents, alors, tío, qui ont donné toute leur vie à leur boulangerie ? Tu crois que ça nous fait plaisir de nous dire que ce qu’on a réussi à la sueur de nos fronts va être dilapidé dans le bien commun ? »
Andrès en eut le souffle coupé. Il n’avait jamais pensé aux commerçants. […]
– Tu oublies qu’entre les deux extrêmes qui se bouffent le nez, il y a une majorité de petites gens comme moi pour qui ce n’est ni tout blanc ni tout noir. Qui va se faire broyer dans votre match de boxe, quel que soit le vainqueur ? C’est nous. Alors votre Machine, hein…
»

Après des années d’affrontement, les idées du peuple ont formé un parti qui représente une menace pour les prochaines élections. Les tensions sont palpables, les discussions font rage et les combats se durcissent. Les désirs individuels pourront-ils s’aligner au service d’un objectif collectif plus grand ? Le premier tome de cette trilogie est prometteur tant sur le fond que sur la forme, nous avons hâte de lire la suite ! (Séverine Radoux)

Recension parue initialement dans le blog du Carnet et les Instants