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Je connais peu de mots

Je connais peu de mots

« Je connais peu de mots/mes phrases ne sont pas justes/je fais trop d’erreurs/il y a tellement de règles/et encore plus d’exceptions/je pense parfois que ma tête est trop petite/je me demande quand je réussirai à bien m’exprimer ». Des mots découragés que nous, lecteurs, avons souvent dits ou entendus. Des mots qu'Elisa Sartori a peut-être prononcés : ayant grandi entre l’Italie et le Congo, ...

Je connais peu de mots / Elisa Sartori
CotCotCot éditions
n.p. – 2021 . – 15,50€   ISBN 978-2-930941-28-8

« Je connais peu de mots/mes phrases ne sont pas justes/je fais trop d’erreurs/il y a tellement de règles/et encore plus d’exceptions/je pense parfois que ma tête est trop petite/je me demande quand je réussirai à bien m’exprimer ». Des mots découragés que nous, lecteurs, avons souvent dits ou entendus. Des mots qu'Elisa Sartori a peut-être prononcés : ayant grandi entre l’Italie et le Congo, cette créatrice – qui a étudié à Venise avant de s’inscrire à l’Académie royale des Beaux-Arts de Bruxelles – ne parlait pratiquement pas le français quand elle est arrivée en Belgique.
Mais ce n’est pas parce que des mots sonnent juste et reflètent une réalité qu’ils constituent un livre. Or c’est bien dans un livre que ces mots nous sont offerts ici. Ils en constituent même le fil de la première partie. Un livre précieux, fin comme une plaquette, qui ne ressemble à aucun autre : « un livre-accordéon infini » précise l’étui qui le protège.
Cette pépite est en effet un accordéon – leporello pour utiliser le langage des spécialistes – sans fin. Vous allez comprendre pourquoi. Sur les pages, au fur et à mesure qu’on le déplie, la silhouette d’une jeune femme s’immerge peu à peu dans une étendue d’eau, une eau qui tombe du ciel en fines gouttelettes, qui s’étale d’abord comme un lac paisible, pour ensuite se transformer en une mer agitée et tourbillonnante. A tel point qu’elle submerge la fragile silhouette qui à la dernière page semble avoir atteint le fond du fond. Mais comme dans la vie, chaque page à son verso. En repliant l’accordéon dans l’autre sens, tout s’inverse : c’est de l’espoir, de la confiance et des projets que le lecteur va découvrir page après page. Donnant ainsi du poids à la question posée sur l’étui : « Et si investir une nouvelle langue ne se limitait pas à l’acquisition d’une grammaire, mais représentait bien plus ? »
Je connais peu de mots peut se lire en boucle à l’infini. Tout y est blanc et bleu. En n’utilisant que des lignes, des points et des traits. Plus ou moins fins ou épais. Plus ou moins serrés ou distants. Dans un livret pédagogique (qui peut être téléchargé gratuitement) Elisa Sartori explique que ses outils ont été encre de chine et ecoline, plume et pinceau. Et qu’elle a travaillé à partir de photographies d’un modèle vivant. « J’avais envie de montrer que le corps de la femme peut être poétique, sans être sexué. C’est un corps dans lequel tout le monde peut se reconnaître, même si on n’est pas une femme ».
Les lecteurs de tous âges qui apprécieront ce petit format tout en délicatesse – nouvelle bonne surprise de CotCotCot – seront sans doute étonnés d’apprendre qu’une des activités de prédilection de sa créatrice est le StreetArt. En effet, en plus de l’illustration, du dessin de presse et de l’animation d’ateliers, Elisa Sartori a créé, avec son amie Almudena Pano, le collectif 10emeArte.  (Maggy Rayet)