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Le dehors

Le dehors

« puhp », « puhp puhpo », « puhpowee », « sluiiip », « kraak grmmlll », « owdouyoudou », « kkk kkk kkk », « kaboum », « bowowwou », « ROAAR »… Comment réagiriez-vous si vous deviez entendre ces sons, ces bruits lors d’une promenade ? C’est précisément ce qui arrivent aux deux héros de cette aventure singulière, Ours et Coyote ? Autant d’onomatopées qui les intriguent et que les parents ou grands-parents qui se lanceront dans la lecture de l’album à leur enfant pourront s’égosiller à interpréter, imiter, voire hurler pour le plaisir garanti de leur auditoire...

Le Dehors / Texte et illustrations de Mélanie Rutten
MeMo
n.p. – 2022 . -  18€   ISBN 978-2-3528-9531-2

« puhp », « puhp puhpo », « puhpowee », « sluiiip », « kraak grmmlll », « owdouyoudou », « kkk kkk kkk », « kaboum », « bowowwou », « ROAAR »… Comment réagiriez-vous si vous deviez entendre ces sons, ces bruits lors d’une promenade ? C’est précisément ce qui arrivent aux deux héros de cette aventure singulière, Ours et Coyote ? Autant d’onomatopées qui les intriguent et que les parents ou grands-parents qui se lanceront dans la lecture de l’album à leur enfant pourront s’égosiller à interpréter, imiter, voire hurler pour le plaisir garanti de leur auditoire. Ce délire sonore qui sert de base originale à ce récit se terminera sur un feu d’artifice sonore de « PIN BADAM PON BADOUM POUM BADAM BADOUM ». Vient un deuxième niveau narratif : les suppositions élaborées par Ours et Coyote pour comprendre qui émet ces cris inhabituels. Leurs dialogues sont particulièrement savoureux et imaginatifs. Lors de cette exploration forestière, ils imaginent diverses hypothèses. Pour Coyote, il s’agit du Dehors, pour Ours, du Kaboum. Partis à la recherche de l’un ou de l’autre et pistant chaque bruit, ils tombent sur Champignon qui émet un son en grandissant, Limace qui glisse sur le Dehors, Pie puis Roche, Feuille et Graine qui, elle, ne dit rien. Finalement l’arrivée inattendue des mamans en camion rouge, puis des papas qui ont fait une montagne de crêpes ne changera rien à cette affaire qui se termine en un discret murmure de « plocs », de « crics », de « fleps », de « bloms », de « glis », de « glous », de « plitis afs », de « frouchs »...

Quant aux illustrations, elles s’inscrivent dans un courant d’illustratrices belges où l’on retrouve Kitty Crowther, Anne Brouillard, Anne Herbauts, Marie Schneider… Leurs dessins tout en poésie et en tendresse apportent un autre point de vue sur le réel, flirtent avec le rêve, sont souvent empreints de bienveillance dans les expressions de leurs personnages accordent une grande importance aux décors naturels revisités de manière originale. On oserait presque le qualificatif de surréaliste. Ce sont toutes ces caractéristiques que nous retrouvons dans les peintures de cet album dont les pages de garde et la quatrième de couverture offrent une belle palette de formes inattendues, de traits diversifiés et de couleurs automnales.

Si des esprits cartésiens seront déstabilisés par cette proposition, ceux qui ont gardé une âme d’enfant la trouveront savoureuse et plus profonde qu’il n’y paraît puisqu’elle suggère qu’il n’existe finalement aucune frontière entre les différentes entités du monde animal, végétal et minéral. C’est finalement en dernière page de garde, notée discrètement, que l’on trouvera un début d’explication à cette histoire qui entretient le mystère : « Puhpowee est un terme de la langue amérindienne potawatomi, que l’on peut traduire par ‘la force par laquelle les champignons sortent de terre au cours de la nuit’. » A partir de cette information qui nous ouvre à un autre univers culturel, et c’est aussi un mérite de ce livre, l’autrice et illustratrice belge Mélanie Rutten (dont Le Dehors est le douzième album publié aux éditions nantaises MeMo auxquelles elle est particulièrement fidèle !) nous a immergés dans un univers surprenant, décalé où elle nous invite à porter un autre regard sur la nature, la forêt en particulier.  (Michel Torrekens – journaliste au Ligueur)