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L’étourbillon

L’étourbillon

La narratrice, douze ou treize ans à peine, se présente sans indulgence : « Grande, maigre, transparente, passe-partout, invisible, sans forme ». Sa mère vient de mourir et, avec son père, elle a déménagé dans une grande maison bâtie en rase campagne. Un double récit se tisse sous nos yeux : la traversée du deuil pour ce père et sa fille et le passage de l’enfance à l’adolescence de cette dernière. Mais alors que le père reste anéanti par la souffrance de la perte, au point d’en perdre la parole, sa fille se force à garder la tête hors de l’eau et à rester « vivante »...

L’étourbillon Texte de Flore Servais ; illustrations de Gaëlle Vejlipek (Suisse)
Alice éditions coll. Tertio
192 pages, 2023, 13 €, 978-2-87426-518-1,

La narratrice, douze ou treize ans à peine, se présente sans indulgence : « Grande, maigre, transparente, passe-partout, invisible, sans forme ». Sa mère vient de mourir et, avec son père, elle a déménagé dans une grande maison bâtie en rase campagne. Un double récit se tisse sous nos yeux : la traversée du deuil pour ce père et sa fille et le passage de l’enfance à l’adolescence de cette dernière. Mais alors que le père reste anéanti par la souffrance de la perte, au point d’en perdre la parole, sa fille se force à garder la tête hors de l’eau et à rester « vivante ». Elle réintègre une école, retape une bicyclette qui traine dans la grange, explore le village, fait la connaissance d’une étonnante demoiselle qui, petit à petit, deviendra une amie proche. Souvent, le récit remonte le temps pour en ramener des souvenirs. La plupart d’entre eux sont heureux, un anniversaire, l’observation de plantes sauvages, les livres que la maman racontait… Mais d’autres, comme la mort à cinq ans, d’un petit frère, la dépression des parents qu’elle a provoquée, la maladie de sa maman qui a suivi, renforcent la tristesse du présent. Et puis il y a ce souvenir dérangeant de l’adoption d’un jeune adulte qui, sous des dehors de grand frère aimant, de fils prévenant, d’animateur inventif, cachait un côté sombre et pervers. La jeune narratrice fait très souvent allusion à ce « Il » dont on ne connaîtra pas le prénom et qu’elle finira par dénoncer à son père : « Il est dangereux ! » à l’instant précis où sa mère perdait la vie.

L’étourbillon est le premier roman de Flore Servais. Alice Éditions a pris la peine d’insérer une notice présentant cette nouvelle auteure, « née au milieu d’une forêt belge » qu’elle n’a pas quittée devenue adulte. Ce lien avec la forêt se retrouve dès le début du roman. (On pourrait même dire : dès la couverture, occupée en grande partie par des arbres un peu fous …) En effet, Si le père et la fille ont déménagé c’est aussi pour fuir la forêt au sein de laquelle, jadis, la famille vivait heureuse.
La notice évoque aussi certaines lectures qui ont aidée l’auteure « à mieux se comprendre et s’accepter ». Or les livres sont omniprésents dans L’étourbillon : tout au début, alors que la nouvelle maison est encore vide, la narratrice découvre sa chambre envahie de caisses, disposées en une sorte de spirale et contenant comme un tourbillon de livres. « Le tourbillon est étrangement bien organisé, avec un plan nommé « L’étourbillon ». (Ah le titre, enfin !) » constate la jeune fille, découvrant que ces caisses sont un cadeau, héritage d’un libraire ancien ami de la famille. Treize caisses numérotées. Chacune d’elles donne son nom à un chapitre du roman. On se plait à imaginer que chacune d’elles a été vidée, et son contenu rangé sur une étagère, au fur et à mesure de la progression du récit.
Et enfin, la notice précise que dans ce roman, Flore Servais « tente d’approcher au plus près l’intériorité de son personnage ». Manifestement, elle y parvient et cette réussite constitue une des grandes qualités de cette première œuvre.
La publication d’un premier roman est toujours un moment intense. Avant tout pour l’auteur(e) bien entendu. Mais aussi pour celui ou celle qui le découvre et s’y attache. Et qui ensuite, se surprend à attendre un second volume. Avec un brin d’anxiété. (Maggy Rayet)