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Sorcière et Chanoir

Sorcière et Chanoir

Dès la couverture, Marina Philippart embarque dans un univers d’une intense beauté. Dans la nuit noire, un être (entre le porc-épic et l’humain) semble lancer une incantation devant un chaudron dégageant une fumée-brume bleutée. Un félin noir, immobile, observe la scène avec attention. Autour d’eux, dans un écrin de végétation luxuriante, s’entremêlent plantes rampantes, herbes folles et champignons. Une vibration, ronde et chaude, émane de ce rituel et enveloppe les deux compagnons d’aventure, Sorcière et Chanoir. L’envoûtement est total du côté du lecteur...

Sorcière et Chanoir / Texte et illustrations de Marina Philippart
Le Diplodocus
n.p. - 2022 . - 14,50€   ISBN 979-1-0949-0831-0

Dès la couverture, Marina Philippart embarque dans un univers d’une intense beauté. Dans la nuit noire, un être (entre le porc-épic et l’humain) semble lancer une incantation devant un chaudron dégageant une fumée-brume bleutée. Un félin noir, immobile, observe la scène avec attention. Autour d’eux, dans un écrin de végétation luxuriante, s’entremêlent plantes rampantes, herbes folles et champignons. Une vibration, ronde et chaude, émane de ce rituel et enveloppe les deux compagnons d’aventure, Sorcière et Chanoir. L’envoûtement est total du côté du lecteur : avant même d’avoir ouvert l’album, il perçoit l’odeur des bûches qui brûlent, ressent la chaleur du feu, ploie sous l’immensité du ciel et frissonne de curiosité.

« Sorcière habite dans la forêt depuis si longtemps qu’elle se souvient avoir vu naître certains de ces grands arbres. » Rien dans son aspect ne trahit pourtant l’âge avancé de l’étrange créature. De son habit sombre strié de jaune sortent deux mains blanches, d’une agilité redoutable dans la cueillette d’herbes, de plantes, de racines et autres feuilles. Car la magie de Sorcière est de velours et réside dans la concoction de délicieuses tisanes qui apaisent les douleurs du corps et de l’esprit. Alors, elle fouille le sol de ses yeux, ramasse avec soin les cadeaux de Mère Nature et les assemble avec art et concentration. Elle ne se déplace d’ailleurs jamais sans un panier et une marmite, ses breuvages se dégustant en tous lieux…

Un jour, lors d’une de ses promenades matinales, elle « découvre un petit chat au museau rempli de larmes ». Ni une ni deux, elle l’invite à boire une tisane aux fougères et l’écoute conter ses malheurs : le pauvre animal, victime de la superstition de villageois, a été chassé de chez lui et souhaite désormais atteindre le pays des chats, dans les montagnes du nord, du moins d’après les histoires dont le berçait sa maman. Sorcière, pleine d’entrain et d’empathie, décide de l’aider dans sa quête et quitte sa généreuse forêt. Commence alors pour les nouveaux amis un long périple, durant lequel ils rencontreront un troisième larron, un ver luisant du nom de Vermillon habitant une grotte aux parois scintillantes, se confronteront à leurs peurs, et dépasseront peut-être les confortables limites de leurs croyances et de leurs habitudes.

Chaque planche de Marina Philippart est un rêve éveillé. L’œil saute d’un détail à l’autre, s’étourdit de couleurs profondes, se perd dans les superpositions, s’abîme dans la contemplation de ces illustrations palpitantes, aux techniques diverses (crayon, pastel, aquarelle, etc.). L’artiste traite avec douceur des sujets sensibles de la différence et de l’exclusion, et surtout de la façon simple et humaine de se défaire de ses préjugés par le dialogue, le déplacement de perspectives et le partage d’une boisson chaude. On ressort de cette lecture-miel avec une envie de camomille… (Samia Hammami)