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Tout près de toi

Tout près de toi

De prime abord, Tout près de toi paraît à la fois un très grand et très petit album. Grand par ses dimensions, petit par son nombre de pages. Intrigant, également, avec la disposition du texte en colonnes en bas des pages et le parti pris d’illustrations uniquement en noir et blanc (étonnant lorsque l’on a en tête les précédents livres de Mark Janssen, à la palette colorée phénoménale)...

Tout près de toi / texte et illustrations de Mark Janssen , traduction d'Emmanuèle Sandron
L'école des loisirs ; coll. Kaléidoscope
n.p. – 2023 . – 13,50€   ISBN 978-2-3788-8159-7

De prime abord, Tout près de toi paraît à la fois un très grand et très petit album. Grand par ses dimensions, petit par son nombre de pages. Intrigant, également, avec la disposition du texte en colonnes en bas des pages et le parti pris d’illustrations uniquement en noir et blanc (étonnant lorsque l’on a en tête les précédents livres de Mark Janssen, à la palette colorée phénoménale).

Une fois l’album ouvert, on découvre l’histoire de Babou, un garçon népalais né dans la vallée Pokhara. Là, la nature explose de splendeurs : lac agité de poissons, montagnes altières, forêts bruissantes, faune joyeusement animée… Son univers sature de vie dans toutes ses manifestations, qu’elles soient humaines, végétales ou animales. Pourtant, le jeune Babou est lesté par le chagrin : sa grand-mère chérie vient de mourir et il la cherche partout. Avant de le quitter, elle lui avait fait promettre de se montrer fort et l’avait rassuré en lui confiant : « Chaque fois que tu te sentiras triste de ne plus me voir, je serai là. Tout près. » C’est pourquoi il guette sa présence, tente de la discerner couché au bord d’une berge, recueilli sur les vieilles pierres d’un temple, accroupi sous un arbre, assis sur le toit d’une maison. Il s’acharne à la percevoir tant dans le ciel rempli « d[e] milliers de lucioles, d[e] milliers d’étoiles », le souffle léger de la brise, les nuances vertes d’un arbuste, la caresse du soleil que dans les nuages où « maman voyait des animaux, et papa des visages ». En vain, malgré ses efforts contemplatifs, Babou ne la trouve pas, et il se voit dérangé à chaque fois par l’apparition d’un singe, d’un oiseau ou… d’une rhinocéros. Mais, malgré lui, au fil de sa quête solitaire, il se sent, petit à petit, plus léger, délesté de sa colère, de sa perplexité et de sa tristesse : sans s’en rendre compte, il renoue avec la vie, au détour de lectures, de dessins, de jeux, de discussions… et de sourires. Car c’est ce qu’était sa grand-mère, un sourire… et plein d’autres choses encore.

Mark Janssen retrace avec une poésie fine, les étapes d’un deuil vécu par Babou. Il pose des mots simples sur un moment inévitable et incompréhensible de l’existence, et sur la manière dont il (peut) se surmonte(r). Ainsi, avec du temps et de la confiance, la terrible absence s’amadoue, s’adoucit même et laisse place à des signes qu’il est alors possible de recevoir. Les illustrations, aux traits doux et ronds, foisonnent de détails absorbants qui réjouissent l’œil ; elles poussent aussi le lecteur à s’arrêter et se montrer réceptif aux beautés que recèle le monde, peu importent nos états d’âme. Tout près de toi se révèle une réussite absolue et un doux rappel au retour inéluctable de la lumière, après la nuit, après l’hiver, après la perte… (Samia Hammami)