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À Contresens

À Contresens

Les enfants entendent beaucoup de « Chut, tais-toi ! », « Attention ! », « Ça, on ne peut pas faire ! », « Arrête ! », « Tiens-toi tranquille ! », « Stop ! », « Écoute, maintenant ! »,« Reste sage ! ». Au contraire, ils devraient être plus souvent bercés de « Vas-y ! », « Continue ! », « Essaye ! », « Fais comme tu veux ! », « Lance-toi ! », « Bien sûr que tu peux ! », « Allez, go ! », « Tente encore ! », « Suis ton cœur ! ». Et Jean-Yves Casterman illustre magnifiquement dans son album À Contresens cette confiance à cultiver dans les capacités de chaque petiot...

À Contresens / Texte et illustrations de Jean-Yves Casterman
Les 400 coups
n.p. -  2023 . - 14,50€   ISBN 978-2-8981-5156-9

Les enfants entendent beaucoup de « Chut, tais-toi ! », « Attention ! », « Ça, on ne peut pas faire ! », « Arrête ! », « Tiens-toi tranquille ! », « Stop ! », « Écoute, maintenant ! »,« Reste sage ! ». Au contraire, ils devraient être plus souvent bercés de « Vas-y ! », « Continue ! », « Essaye ! », « Fais comme tu veux ! », « Lance-toi ! », « Bien sûr que tu peux ! », « Allez, go ! », « Tente encore ! », « Suis ton cœur ! ». Et Jean-Yves Casterman illustre magnifiquement dans son album À Contresens cette confiance à cultiver dans les capacités de chaque petiot.

Sur la couverture, il y a un titre, en capitales, dont les lettres sont toutes de couleurs différents. Il y a aussi cette fillette, sur son skateboard. Bonnet et bottines rouges, socquette blanche et sac à dos noir, robe violette. Les yeux fermés, les bras tendus. Elle roule sur un muret en briques, alors que des passants marchent (yeux rivés ou casque sur les oreilles) sous elle et que, en arrière-fond gris, une ville se perçoit (avec des éléments amusants qui ne se distinguent pas de prime abord, comme un Superman ou un King Kong). Elle, elle se détache de ce flot en roulant… à contresens ! Elle paraît libre et heureuse, indifférente à la marche du monde, dans sa bulle, concentrée sur l’instant présent. Sans aucune appréhension dans sa posture d’équilibriste. Ce premier dessin condense le propos se déroulant au fil des pages de ce petit bijou de livre : « Vas-y roule. Les étoiles ne dorment jamais… non, jamais. »

Dès les premières pages, l’héroïne prend son élan. Elle dévale un route, enchaîne versants des collines, fend le trafic urbain, pirouette au milieu de la foule, défie les murs et les obstacles, alterne les accélérations et les ralentissements, s’essaie à différents figures, profite de sa journée d’exploration à son rythme, et jusqu’aux derniers rayons du soleil. Seule et en parfaite assurance. Seule ? Plutôt accompagnée par une présence flottante incarnée par une voix entraînante qui lui enjoint de rouler, de se laisser porter, de découvrir, de se dépasser, de ne pas se soucier du regard extérieur, de déployer ses ailes, d’observer, de savourer. La fillette se sent la force et la possibilité de relever tous ces défis car, « au bout du chemin, il y a quelqu’un qui [l’] attend ». Sa maman. Bonnet et bottes violets, robe aux rayures blanches et vertes. Même sourire et même rouge aux joues, toute de tendresse et d’encouragement. Magie de la bienveillance.

À contresens, dédié à des femmes célèbres qui se sont dé-limitées et qui inspirent (entre autres lumineuses, Nan Goldin, Claire Bretécher, Nina Simone, Patti Smith et Kae Tempest), souffle par sa beauté simple, ses illustrations aux teintes douces, ses dessins expressifs, la concordance évidente entre les mots et les traits offerts par Casterman. Et par sa nécessité. Une pépite. (Samia Hammami)