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Le mystère de la vie

Le mystère de la vie

Le mystère de la vie ! En français, la sobriété du titre ne laisse rien deviner quant au mode de traitement du sujet...

Le mystère de la vie / Texte de Jean-Paul Schutten (Pays-Bas) ; illustrations de Floor Rieder (Pays-Bas) ; traduit du néerlandais (Pays-Bas) par Maurice Lomré
L’école des loisirs
162 p. – 2016 . -    24,80 €   ISBN 978-2-211-22474-1

Le mystère de la vie ! En français, la sobriété du titre ne laisse rien deviner quant au mode de traitement du sujet. Mais l’original néerlandais, qui évoque non seulement « le mystère de tout ce qui vit » mais aussi les « chaussettes puantes d’un certain Jos Grootjes », annonce d’emblée un contenu trempé dans l’humour ! Voici en effet un documentaire dont l’objectif est d’exposer de manière amusante ce que l’on sait de l’origine de la vie et de l’évolution. Aux Pays Bas, le livre a été fêté et a reçu les plus hautes récompenses, tant pour le texte que pour les illustrations et la réalisation technique. Un « beau livre » donc, cartonné à la tranche dorée, à la typographie soignée et attirante, aux superbes dessins à la plume ! Une première expérience éditoriale pour la jeune et talentueuse illustratrice Floor Rieder, soucieuse de réunir « beauté, information et humour ». Rien d’étonnant donc à ce que une maison d’édition comme l’école des loisirs ait pris la décision de faire connaître l’album à un lectorat francophone. Et c’est ainsi que Maurice Lomré s’est attelé à la tâche de la traduction. Quelle déception de ne pas pouvoir dire que du bien du résultat d’un travail si soigné et d’une facture si raffinée! Bon, on note quelques erreurs de chiffres et d’ordres de grandeur. Mais là n’est pas l’essentiel. L’essentiel, à mon sens, réside dans une sorte de mélange permanent entre science et religion. Dès les premières pages, l’utilisation fréquente du terme « miracle » met mal à l’aise. On sursaute lorsqu’on lit (page 23) que « chacun est arrivé à la même conclusion : c’est un dieu qui a dû imaginer et créer le monde ». Bien sûr je sépare la phrase de son contexte. Mais on pourrait citer d’autres exemples. L’auteur reconnaît d’ailleurs lui-même (page 157) : « J’ai reçu une éducation religieuse qui a laissé quelques traces en moi ». Et de se laisser aller – même page – à des élucubrations malvenues : « un professeur m’a raconté (…) en observant le cerveau d’une personne, ce scientifique peut voir si elle est croyante ». Voire même, en passant, à des inepties sexistes que l’humour n’excuse pas :  « les hommes choisissent souvent les plus belles femmes, alors que les femmes tiennent moins directement compte de l’apparence physique d’un homme » (page 57 et 58). Jusqu’à ce conseil en fin de volume « Si tu te débats avec la question de l’existence de Dieu, tu pourras essayer d’en savoir plus en interrogeant d’une part les croyants et d’autre part les scientifiques ». Comme si les méthodes des chercheurs scientifiques n’étaient pas les mêmes qu’ils soient « croyants » ou « non croyants ». L’ensemble étant imprégné d’une certaine bienveillance pour les conceptions créationnistes, on peut s’étonner qu’il soit préfacé par Jelle Reumer qui fut jusqu’il y a peu directeur du Musée d’histoire naturelle de Rotterdam. S’étonner aussi qu’aucune voix critique ne se soit apparemment fait entendre aux Pays-Bas. N’est-il pas plus que jamais indispensable de sensibiliser tout un chacun non seulement aux résultats de la recherche scientifique mais aussi à ses méthodes ? Et n’est-il pas dommage de devoir ainsi jeter le bébé avec l’eau du bain ? Car ce « bébé » regorge d’une multitude de bonnes questions – des questions que les enfants de tous âges se posent – et aussi d’une multitude de réponses imagées et de métaphores audacieuses. (Maggy Rayet)